Elisabeth, Lionel, Roselyne et les autres : vingt ans de Pacs, et quelques déconvenues

Illustration Sabine Bouillet

Oui, je sais, tu en as probablement soupé des anniversaires, mais si tu as entre, disons, vingt et plus de cinquante ans (tu vois que la fourchette est large), il n’est pas exclu que celui-ci te concerne de près ou de loin : le 15 novembre prochain, ça va faire vingt ans qu’on se pacse.

« Putain, vingt ans ! » ça pourrait ressembler à l’hommage à un président mort récemment, mais pourtant, ce président-là n’y est pour rien. Certes, il était en exercice, mais c’est surtout son gouvernement de l’époque, celui de Lionel Jospin, qui a bossé sur le sujet. En première ligne, Elisabeth Guigou, garde des Sceaux.

Bon, tout ça c’est bien joli, mais après cette petite révolution culturelle (il y en a eu quelques autres depuis), beaucoup, beaucoup de gens se sont jetés sur le Pacs comme sur le rabe de dessert à la cantine.

C’est vrai, le Pacs, c’était bien pratique : ça servait pour plein de choses, comme minorer le montant de ses impôts quand on vivait avec quelqu’un qui gagnait moins bien sa vie, ou alors obtenir une mutation dans le Sud quand on était prof et qu’on demandait un « rapprochement de conjoint », ce n’était pas follement romantique, mais ça rendait bien service, et surtout on n’était pas obligé de passer par la case mariage.

Moi, dans ma famille, on me l’a vendu comme l’outil idéal pour « donner un statut à cet enfant », quand enfant il y a eu. (Non, je ne vous permets pas d’imaginer ma réaction, elle fut pire encore).

Donc, vous avez été nombreux à vous précipiter sur le Pacs, et parfois vous n’avez pas bien compris où vous avez mis les pieds.

D’abord, la première mouture du Pacs, c’était un contrat indivis. Kezako ? Comme le contrat de mariage par défaut, la communauté réduite aux acquêts, mais en pire. En clair, à partir de la date du Pacs, sauf si tu précisais que tel ou tel bien te restait propre, aux yeux de la loi, il était indivis, ce qui signifie qu’il appartenait à ton/ta chère et tendre pour moitié. Pas toujours facile, surtout en cas de séparation.
D’ailleurs, ça a mis tellement la zone cette histoire que plus tard, en 2006, les députés et les sénateurs ont rediscuté et voté une loi qui a changé le Pacs par défaut. Aujourd’hui, si tu signes un Pacs sans réfléchir, c’est un contrat en séparation de biens, ce qui signifie que sur le plan financier, c’est (presque) chacun pour soi.

Si tu gardes bien la trace des paiements de ce que tu achètes, ça reste à toi. Après, si tu as envie de TOUT mettre sur un compte commun, ne viens pas te plaindre.

Tout ça ne te dispense pas de participer aux charges de ton ménage (oui, le droit est une source inépuisable de poésie), et ne te dispense pas, le jour où tu quittes ton mari ou ta femme, de continuer à l’aider à élever vos enfants communs.

Il y a une autre grande erreur que font beaucoup de gens qui se pacsent : ils s’imaginent que le Pacs les protège. C’est, bien entendu, totalement faux, et me voilà encore à te conseiller d’aller voir un notaire, et plus vite que ça.

Que les choses soient bien claires : si tu es pacsé avec quelqu’un, et que ce quelqu’un meurt, eh bien le notaire ne te convoquera même pas à l’ouverture de la succession. Si le quelqu’un en question a des enfants, ce sont les enfants qui héritent. S’il n’a pas d’enfant mais qu’il avait encore ses parents, ce sont les parents qui héritent. A défaut, ce sont ses frères, ses sœurs, ses neveux, ses arrières cousins dont tu n’as jamais entendu parler. Dans le pire des cas, si on ne trouve pas les héritiers au sixième degré, c’est l’Etat qui récupère le magot.

Tout ça est bien gentil, mais quand tu avais acheté ton appartement avec ton chéri, tu as modérément envie de voir tes beaux-parents débarquer chez toi.

Tout ça pour dire : un Pacs, aux yeux de beaucoup de gens, c’est censé réunir le meilleur des deux mondes, le statut sans le caractère solennel. En fait, c’est tout le contraire : un Pacs, ça te crée des obligations mais ça ne te donne pas vraiment de droits. Donc, si tu veux faire correctement les choses et bien comprendre ce qui t’arrive :

-choisis un Pacs SEPARATISTE. Le Pacs indivis, qui était le pacs par défaut jusqu’au 31 décembre 2006, est aujourd’hui uniquement possible sur option. Je te le répète, c’est un nid à confusion et à emmerdements.

-si tu as quand même envie de gratifier ton co-Pacs, fais un testament dans lequel tu le désignes. Et comme rien n’est plus facile à perdre ou à contester qu’un testament, va le faire chez ton notaire qui t’expliquera ce qu’il faut écrire pour rester dans les clous de la loi, et qui l’enregistrera.

Ca tombe bien, le notaire peut aussi enregistrer ton PACS et t’éviter de faire ça au bureau d’état civil de ta mairie. Alors va le voir, fais un PACS, un testament et tu seras (presque) tranquille.

Petite note sentimentale. On n’y peut rien, mais moi, c’est pendant les débats sur le Pacs, en 1998, que j’ai découvert Roselyne Bachelot, la seule qui a défendu le projet à droite, contre son camp. Depuis, même si elle a une petite brochette de boulettes à son actif, eh bien, je l’aime bien, c’est comme ça. Un peu comme l’autre, là, le président qui vient de mourir, on avait plein de choses à lui reprocher mais on l’aimait bien quand même.
Sainte Roselyne