London calling… le DRH, les Beatles, le notaire, sa femme et son amant

London Calling

Illustration Sabine Bouillet

Les efforts, ça paye. Cinq ans que tu demandais à bouger de nouveau, trois ans que tu faisais un lobbying intense auprès de ta hiérarchie, six mois que tu plaidais ta cause devant la DRH, et ça y est, ça y est, ta boîte t’envoie enfin à Londres. Tu es super content.
A toi, les crumpets, les muffins, le fog, les chapeaux d’Elizabeth, le Brexit, la livre sterling, tu te prends pour le fils de Shakespeare et d’Amy Winehouse, tu marches comme John Cleese, tu danses comme Billy Eliott, tu chantes comme Bowie, tu te sens sexy comme Mick Jagger.

Tu es trop content, ta famille est joyeuse, c’est un projet formidable.

Sauf que tu ne le sais pas encore, mais l’année prochaine, ta femme va demander le divorce.

Et là, tu vas te rendre compte que ton régime matrimonial n’est pas celui de la France, où tu t’es pourtant marié il y a quinze ans juste avant d’aller t’installer aux Etats-Unis, mais celui des Etats-Unis, où se trouvait ton premier domicile conjugal. Tes biens propres, vos biens communs, tout ça va voler en éclats avec tes certitudes parce qu’un divorce, aux Etats-Unis, ça ne se passe pas du tout comme en France.

Tant qu’on est dans les mauvaises nouvelles, imaginons un seul instant que ta femme, au lieu de demander le divorce, se fasse renverser par une voiture. Là, ce n’est pas la loi américaine sur les successions qui va s’appliquer, mais la loi du Royaume Uni. Et en discutant de tes déboires avec ton pote Karl, qui vit en Allemagne depuis quinze ans, tu vas apprendre que lui et sa femme ont basculé sous le régime matrimonial allemand, un beau jour… sans le savoir.

Tu es perdu ? C’est normal. Ta mobilité professionnelle, qui t’est si chère, t’a fait basculer dans le groupe de ceux qu’on appelle « les couples internationaux ». Or ces couples, bien souvent, ne savent pas quel est leur régime matrimonial, s’imaginant naïvement que c’est celui du pays dans lequel ils se sont mariés. Ce serait beaucoup trop simple. Ce qui serait simple, aussi, ce serait que la loi applicable aux couples internationaux soit définie selon les mêmes critères, or ce n’est pas le cas. Selon la date de ton mariage, les règles qui s’appliquent pour définir ton régime ne sont pas les mêmes.

Pour ta succession, c’est différent, en principe, la loi applicable est celle du dernier domicile du défunt, à moins que tu n’aies entretenu des liens plus forts avec un autre pays (ce qui, présentement, complique sévèrement la succession de Johnny Hallyday).

Au milieu de cet océan d’incertitudes, qui n’ont d’autre intérêt que d’éveiller ton attention sur le sujet, je vais t’annoncer une bonne nouvelle : dans la plupart des cas, il te suffit d’aller remplir un document tout bête chez un notaire pour régler le problème. Le fait de décider, quels que soient les pays où tu vas te fixer plus tard, que tu souhaites que la loi applicable à ton régime matrimonial soit la loi française, par exemple, et de l’écrire et de l’enregistrer chez un notaire, va t’économiser pas mal d’ennuis pour la suite.

Même chose pour ta succession : en principe, il suffit que tu ailles chez ton notaire et que tu rédiges avec lui un testament. Cela revient à faire officiellement un choix de loi applicable, et lèvera beaucoup de doutes le jour où tu ne seras plus là.

Voilà, c’est fait, je te conseille deux fois d’aller voir un notaire pour tenter de régler tes problèmes à l’avance, alors que toi, tu te sentais d’humeur à chanter Obladi-Oblada.

Allez, va voir un notaire, sensibilise tes copains expatriés et ton DRH à la question,

et promis, après, tu peux te faire l’intégrale des scarabées de Liverpool.